L’objectif de cet article est de proposer une réflexion et un retour d’expérience sur les adaptations et les activités qu’il est possible de mettre facilement en place en classe ordinaire ou en dispositif spécialisé. Pas de longs discours mais des propositions éprouvées et illustrées. Certaines nécessitent du matériel, d’autres peuvent être rapidement et gratuitement mises en place. L’idée n’est pas ici de se substituer aux professionnels que sont les ergothérapeutes et qu’il faudra consulter lorsque les difficultés sont importantes et durables mais de donner des pistes aux parents et aux enseignants pour que l’écriture (re)devienne un plaisir…
Adapter les cahiers
Que ce soit dans les dispositifs spécialisés ou dans les classes ordinaires, il n’est pas rare que des élèves aient des difficultés pour écrire sur du lignage Seyès. En parallèle d’un travail sur le geste de l’écriture, il suffit parfois d’adaptations simples, et gratuites, pour qu’élèves, parents et enseignants retrouvent le plaisir de cahiers agréables à lire.
- En surlignant le premier interligne
Surligneur fluo ou pastel, chaque élève aura sa préférence. Il faut parfois plusieurs essais avant de trouver l’adaptation qui convient parfaitement à chaque élève.
Lorsque surligner le premier interligne ne convient pas, il peut alors être intéressant de tester le lignage coloré. Il existe un générateur en ligne qui permet de créer des feuilles lignées facilement en adaptant tous les paramètres : taille des interlignes, couleur et épaisseur des lignes, orientation des pages, …
Toutefois, il est possible d’adapter le lignage sans forcément imprimer et coller de nouvelles lignes dans les cahiers : en mettant en évidence les interlignes du cahier avec des stylos de couleur. En fonction des élèves, renforcer la ligne de base et le premier interligne peut suffire ou il peut également être nécessaire de repasser le troisième interligne supérieur ou le deuxième interligne inférieur.
Exemple de différentes adaptations proposées au même élève.
Et il est parfois nécessaire de combiner différentes adaptations…
Lignage dys + surligneur fluo pour mettre en évidence le premier interligne
Adapter les outils
Il existe de nombreux guides-doigts ou embouts pour faciliter la tenue du crayon. Je ne suis pas une grande adepte de ces accessoires qui doivent, à mon sens, être utilisés avec parcimonie. En effet, certaines tenues de crayon, pourtant peu orthodoxe, sont efficaces pour certains élèves : leur écriture est lisible, fluide et non douloureuse. Il n’apparaît donc pas utile de changer cette prise du crayon.
Cependant, je constate parfois, chez les élèves du dispositif, une mauvaise inclinaison du crayon, voire des problèmes de tonus qui empêche de tenir correctement le crayon ; l’élève a des difficultés pour exercer une pression suffisante pour laisser une trace, il se fatigue rapidement et le crayon tombe fréquemment. Pour pallier à cette difficulté, j’aime utiliser un bracelet d’écriture (ou un simple élastique à cheveux) qui permet de positionner correctement le crayon et de soulager l’élève. Grâce à une combinaison de cet outils avec des ateliers de motricité globale et fine, le bracelet est rapidement abandonné par la plupart des élèves.
Les difficultés en écriture sont rarement isolées. Un autre domaine souvent impacté est le découpage. Je choisis donc de faire une petit disgression dans cet article pour vous présenter les ciseaux à grande boucle. Découverts il y a déjà plusieurs années grâce à une ergothérapeute qui intervenait dans le dispositif, ils permettent à des élèves qui ont longtemps été en échec de participer à des activités de découpage et surtout d’être autonomes. Quelle fierté de pouvoir découper comme ses camarades !
Les ciseaux à grande boucle ne sont pas les seules adaptations possibles. Dans le dispositif, j’ai une trousse avec différents types de ciseaux, en version « droitier » (ciseaux bleus) et « gaucher » (ciseaux verts). Un grain de temps indéniable en début d’année et un investissement très vite rentabilisé, car je peux facilement tester l’outil avec lequel les élèves sont le plus à l’aise.
- L’importance de l’installation
Le meilleur des outils et la plus réfléchie des adaptations pourra rester sans effet si l’installation de l’élève n’est pas correcte. Alors avant de chercher « compliqué », pensez à vérifier :
- la hauteur de la table
- la position du cahier, qui doit être incliné
- la position des pieds, bien à plat avec les genoux à 90°
Exemple de l’installation d’une élève pour un exercice d’écriture. Les pieds sont posés à plat sur un bac retourné. Simple mais efficace !
Travailler le geste de l’écriture
Malgré l’adaptation du lignage et des outils, les difficultés peuvent persister chez certains élèves. Il est alors nécessaire de (re)travailler le geste de l’écriture. Pour cela, voici quelques pistes, partir mes favorites…
- Solliciter la mémoire kinesthésique
Les supports rugueux
Les supports rugueux (lettres dans différentes graphies, pistes graphiques, …) sont bien connus des adeptes de la pédagogie Montessori. Ils font appel à la mémoire kinesthésique de l’enfant et, associés à la verbalisation, sont redoutables d’efficacité. A l’instar de la méthode de lecture Borel-Maisonny dont je suis une fan inconditionnelle, les lettres rugueuses, et depuis cette année, les enchaînements de lettres rugueux, aident les élèves à mettre en mémoire le geste graphique correct.
Le graphisme dans le sable ou la farine
Graphisme de base ou lettres dans les différentes graphies, le travail sur des plateaux recouvert de farine ou de sable fin est une parfaite transition entre les supports rugueux et le travail « papier-crayon ». Cette activité permet de s’entraîner à l’infini sans laisser de trace, tout en continuant de solliciter la mémoire kinesthésique.
Quelques billes plates placées sur le plateau permettent de travailler la précision et l’amplitude du geste.
Les billes plates permettent de travailler les différentes tailles de boucles qui conduiront à l’écriture du e et du l en cursive. Elles serviront également de repère pour tracer la lettre S en majuscule correctement.
Les pompons de couleur symbolisent le sens de l’écriture : on démarre au feu vert et on s’arrête au feu rouge !
- Des supports et des activités attrayantes
Globalement, il est important que les supports utilisés soient motivants et surtout variés ! Pour certains élèves, le travail s’attendra sur plusieurs années ; il est donc indispensable qu’une même compétence puisse être travaillée avec des ateliers divers et variés. L’encodage en mémoire en sera ainsi renforcé.
Voici quelques exemples d’activités souvent plébiscitées par les élèves et qui vont concourir aux développements des compétences en écriture :
Les applications sur tablette
Ici, l’application « J’écris en cursive » qui, pour quelques euros, permet de revoir les graphismes de base et d’aborder l’écriture des lettres en cursive. Une version « J’écris en script » est également disponible. (Disponible sur iOS et Android)
La peinture
Très fréquente en maternelle, cette activité est moins courante en élémentaire, bien souvent pour des raisons logistiques. Toutefois, il est indéniable que la peinture est une activité très intéressante : contrôler son geste pour peindre sans écraser son pinceau, laisser une trace sans avoir besoin d’appuyer sur son outil, …
Ici, un élève travaille les traits verticaux à la peinture. Cette réalisation fait partie d’une séquence complète sur ce graphisme, incluant plusieurs activités artistiques : coulure d’encre sur plan vertical, lignes verticales en peinture puis à la craie grasse, …
Poinçonner et perforer
Cette activité permet de travail la tenue de l’outil, la pression mais aussi la concentration et la persévérance. En effet, le poinçonnage peut être utilisé pour découper des formes. Résultat garanti !
Encore et toujours la manipulation !
Aligner des objets sur une table lumineuse, disposer des cailloux dans la cour de récréation ou lors d’une balade en forêt, … les possibilités ne manquent pas pour travailler les graphismes de base de l’écriture. N’hésitez pas à utiliser les intérêts des élèves pour les aider à entrer dans l’activité et faire naître la motivation.
Mettre en scène !
Parfois, il suffit d’une petite mise en scène pour donner du sens et motiver les élèves, même les plus récalcitrants. Tracer des cercles au tableau ou sur une feuille ne présente que peu d’intérêt. Mais si ces cercles deviennent les bulles d’un poisson, il y a fort à parier que les élèves s’engageront plus facilement dans l’activité.
- Les méthodes alternatives
La méthode du chien Jeannot est sans conteste un outil qui vaut la peine d’être connu par les enseignants. Si, au premier abord, elle peut paraître très complexe, cette méthode produit des résultats intéressants pour peu qu’on la mette en œuvre sur la longueur. Dans cette méthode, chaque partie d’une lettre correspond à une partie du corps du chien ou de son environnement (balle, niche, gamelle). Par exemple, ci-dessous, la lettre p est composé par l’enchaînement du nez, de la patte et de la niche.
Exemple d’un travail liant approche sensorielle et méthode du chien Jeannot pour apprendre le tracé de la lettre « p » en cursive. L’image, en bas à gauche, montre les lettres tracées avant la séance utilisant le chien Jeannot. Sur l’ardoise et en bas à droite, les lettres « p » à la fin de la séance.
Et si rien ne fonctionne ?
Les programmes du cycle 2 ne font référence qu’à l’apprentissage de l’écriture cursive. Cette injonction académique est une spécificité très française, la quasi-totalité des systèmes scolaires utilisant l’écriture scripte. D’ailleurs, en France, quelle proportion d’adultes utilisent encore l’écriture cursive qu’ils ont apprise au CP ?
En considérant que l’objection ultime est l’autonomie du futur citoyen dans sa vie quotidienne, je propose donc parfois à certains élèves de travailler l’écriture manuscrite en script plutôt qu’en cursive. Cette proposition n’est parfois qu’une étape, l’élève réclamant le passage à la cursive lorsqu’il se sent prêt, mais peut aussi être une adaptation et un objectif inscrit dans le PPS.
Alors, pour vous, écrire en script, solution acceptable ou hérésie pédagogique ?
Revenir aux bases : la motricité
Cet aspect est souvent négligé, il est pourtant essentiel en lecture et en écriture. Quelques activités permettent de travailler cette coordination comme les circuits de motricité en bois ou tout simplement dessinés sur papier.
Colorés et attractifs, les rubans de gymnastique sont des outils très appréciés des élèves pour travailler les graphismes de base de l’écriture cursive. Ils accepteront les séances d’écriture sans râler si le travail écrit est précédé d’un exercice avec le ruban. Le sens de rotation des boucles et des ronds n’aura plus de secret pour les élèves ! En outre, cette activité trouvera parfaitement sa place dans l’emploi du temps comme activité physique quotidienne (APQ), conformément aux recommandations de la rentrée 2022.
Impossible de parler d’écriture sans évoquer la « pince » entre le pouce et l’index à la base de la tenue du crayon. Sans ou avec des pinces diverses et variées, les élèves mobilisent leurs doigts et se préparent à écrire bien avant de se saisir d’un crayon ou d’un feutre. Une nouvelle fois, ces activités sont fréquentes en maternelle mais, selon l’adage « perdre du temps pour en gagner », il peut être nécessaire de les proposer en élémentaire.
Jeu de mosaïque avec des pions de différentes tailles : saisir un pion pour le placer au bon endroit oblige l’enfant à faire une « pince » avec ses doigts.
Il existe de nombreux types de pinces : des pinces spécifiquement étudiées pour les activités scolaires et adaptées à la morphologie des mains d’enfants mais aussi toutes les pinces que l’on peut trouver dans le tiroir de la maison (pinces à cornichons, pinces à épiler, …).
En conclusion, les activités et le matériel permettant de préparer ou adapter les temps d’écriture sont nombreux. Il est donc souvent nécessaire d’essayer plusieurs outils et/ou méthodes avant de trouver ce qui sera réellement efficace avec un élève et important de garder à l’esprit que la méthode universelle n’existe pas : chacun apprend différemment, en fonction de ses forces et ses faiblesses.
De plus, il faut savoir avouer son impuissance face à des difficultés importantes et durables. Ainsi, les enseignants pourront conseiller aux familles de consulter un ergothérapeute ou un orthoptiste qui pourront, le cas échéant, proposer une prise en charge en complément des adaptations scolaires. Le travail en équipe, autour de l’élève et de sa famille, est essentiel !
En espérant que cet article vous aura apporté des éléments pour aider au mieux vos enfants et/ou élèves.
Un grand merci à Morgane, rédactrice du blog Alice en ULIS pour cet article ! Retrouvez la sur son blog et sur ses réseaux Instagram et Facebook.